2) MAINTENIR L'ÉQUILIBRE DES POUVOIRS
La Ve République voulait rationaliser le parlementarisme
français sans pour autant revenir sur la tradition française du régime
parlementaire. Or la réforme constitutionnelle de 2008 contient certains
changements qui apparaissent en contradiction avec l’esprit de la Constitution.
La limitation du nombre de fois où le gouvernement peut engager sa responsabilité[1] est, de ce point de vue, emblématique. De même, un parlementaire appelé à des fonctions gouvernementales peut être remplacé temporairement[2] ; ainsi, en cas de désaccord avec la politique du gouvernement, le ministre peut le quitter plus facilement, assuré de retrouver un siège. Contrairement à ce qu'avait pu affirmer Jean-Pierre Chevènement, les ministres sont moins incités qu'auparavant à faire preuve d'une solidarité gouvernementale infaillible[3]. Si ces changements étaient de nature à tempérer sensiblement l’ascendant de l’exécutif sur le législatif, il eut été à craindre que nos institutions redevinssent instables. Pourtant il n’en est rien, puisque l’exécutif reste aussi fort : il y a encore peu, les commentateurs parlaient bien d’hyper-présidence et non d’un Parlement qui mettrait en difficulté le gouvernement. Le contexte politique donne indéniablement un poids très important à l’exécutif, renforcé par le quinquennat. En effet, la succession des élections présidentielles et législatives qui en est la conséquence donne une légitimité démocratique plus importante au Président, la majorité des députés élus étant issus, logiquement, du même parti politique. L'actualité récente est emblématique de cet état de fait. Alors que l'élection présidentielle de 2012 a suscité un certain engouement ou, du moins, a constitué un enjeu important, les législatives apparaissent comme une simple confirmation enregistrant mécaniquement les résultats de la présidentielle et connaissant par conséquent un très fort taux d'abstention (42,78 % des inscrits n'ont pas voté). Par parallélisme, on devine l'importance du rôle du Président comparée à celle du Parlement, élu par une petite majorité de Français, peu représentatif, en bref destiné à rester en grande partie une "chambre d'enregistrement". Il y a plusieurs explications à ce statu quo. La Constitution nouvelle ne renverse en aucun cas le rapport de force. Le Président garde toujours la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale et le gouvernement peut encore engager sa responsabilité lors du vote des textes les plus importants[4]. D'autre part, la réforme prévoit un renouveau du rôle de contrôle du parlement sur le gouvernement, plus qu'un véritable rééquilibrage dans la réalité de la vie institutionnelle. Les membres du gouvernement et leurs actions ont été, depuis les années 2000, de plus en plus contrôlés. La cour des Comptes est présente pour aider le Parlement dans le contrôle budgétaire du gouvernement[5]. De même, chaque assemblée peut désormais créer une commission d’enquête[6]. Toutefois, il convient de nuancer la portée de ce contrôle parlementaire dans la mesure ou l’on évoque davantage les rapports de la Cour des Comptes que ceux des missions d’information et de contrôle parlementaires. Ce contrôle par le Parlement est difficile car les députés n’ont pas encore les moyens de l’exercer ; le gain politique d'un changement de pratique serait d'ailleurs nul ou presque, en raison du peu de médiatisation de cet aspect du travail parlementaire.
La limitation du nombre de fois où le gouvernement peut engager sa responsabilité[1] est, de ce point de vue, emblématique. De même, un parlementaire appelé à des fonctions gouvernementales peut être remplacé temporairement[2] ; ainsi, en cas de désaccord avec la politique du gouvernement, le ministre peut le quitter plus facilement, assuré de retrouver un siège. Contrairement à ce qu'avait pu affirmer Jean-Pierre Chevènement, les ministres sont moins incités qu'auparavant à faire preuve d'une solidarité gouvernementale infaillible[3]. Si ces changements étaient de nature à tempérer sensiblement l’ascendant de l’exécutif sur le législatif, il eut été à craindre que nos institutions redevinssent instables. Pourtant il n’en est rien, puisque l’exécutif reste aussi fort : il y a encore peu, les commentateurs parlaient bien d’hyper-présidence et non d’un Parlement qui mettrait en difficulté le gouvernement. Le contexte politique donne indéniablement un poids très important à l’exécutif, renforcé par le quinquennat. En effet, la succession des élections présidentielles et législatives qui en est la conséquence donne une légitimité démocratique plus importante au Président, la majorité des députés élus étant issus, logiquement, du même parti politique. L'actualité récente est emblématique de cet état de fait. Alors que l'élection présidentielle de 2012 a suscité un certain engouement ou, du moins, a constitué un enjeu important, les législatives apparaissent comme une simple confirmation enregistrant mécaniquement les résultats de la présidentielle et connaissant par conséquent un très fort taux d'abstention (42,78 % des inscrits n'ont pas voté). Par parallélisme, on devine l'importance du rôle du Président comparée à celle du Parlement, élu par une petite majorité de Français, peu représentatif, en bref destiné à rester en grande partie une "chambre d'enregistrement". Il y a plusieurs explications à ce statu quo. La Constitution nouvelle ne renverse en aucun cas le rapport de force. Le Président garde toujours la possibilité de dissoudre l’Assemblée nationale et le gouvernement peut encore engager sa responsabilité lors du vote des textes les plus importants[4]. D'autre part, la réforme prévoit un renouveau du rôle de contrôle du parlement sur le gouvernement, plus qu'un véritable rééquilibrage dans la réalité de la vie institutionnelle. Les membres du gouvernement et leurs actions ont été, depuis les années 2000, de plus en plus contrôlés. La cour des Comptes est présente pour aider le Parlement dans le contrôle budgétaire du gouvernement[5]. De même, chaque assemblée peut désormais créer une commission d’enquête[6]. Toutefois, il convient de nuancer la portée de ce contrôle parlementaire dans la mesure ou l’on évoque davantage les rapports de la Cour des Comptes que ceux des missions d’information et de contrôle parlementaires. Ce contrôle par le Parlement est difficile car les députés n’ont pas encore les moyens de l’exercer ; le gain politique d'un changement de pratique serait d'ailleurs nul ou presque, en raison du peu de médiatisation de cet aspect du travail parlementaire.
En ne remettant pas en cause le rapport de force entre l’exécutif et le
législatif, la réforme de 2008 respecte l’esprit de la Ve République. Un autre aspect très important de celle-ci restera à étudier : elle a tenté de doter la France de nouveaux outils permettant de renforcer ce qu'on appelle l'"Etat de droit", caractérisé par le respect du principe de légalité.
Christian d'Aussois
[1] Cf. article 49,
alinéa 3.
[2] Cf. article 25.
[3] Jean-Pierre
Chevènement, ministre de la recherche, démission le 22 mars 1983 pour protester
contre la « parenthèse libérale » et lance sa célèbre phrase :
« Un ministre, ça ferme sa gueule ; si ça veut l’ouvrir, ça
démissionne ».
[4] Les projets de
loi de finances, les projets de loi de financement de la sécurité sociale, et
« un autre texte par session ».
[5] Cf. article 47-2.
[6] Cf. article 51-2.
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