Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégée de Lettres, Françoise Mélonio, après une thèse de doctorat en littérature médiévale à l’Université Toulouse-Le Mirail, a soutenu en 1991 sa thèse d’Etat sur Tocqueville dans la culture française. Elle s’est ainsi affirmée comme une spécialiste de Tocqueville et d’histoire culturelle de la France contemporaine, au carrefour de l’histoire des idées politiques et de la littérature, contribuant à l’édition des œuvres de Tocqueville à la Pléiade, à l’Histoire culturelle de la France publiée au Seuil en 1998 ou à la partie consacrée au XIXe siècle de La littérature française, dynamique et histoire, publié en 2007 sous la direction de Jean-Yves Tadié. Tocqueville et les Français, publié en 1993, s’inscrit directement dans le champ d’investigation de la thèse d’Etat de l’auteur, qui se propose d’examiner, au travers de la réception de l’œuvre d’Alexis de Tocqueville, l’histoire de l’élaboration d’un modèle français de démocratie. En effet, Françoise Mélonio note que les Français du XIXe siècle ont cherché la réponse à la question posée par la singularité française dans la Révolution, suivis par les historiens, qui font de l’histoire de la transition démocratique celle d’une Révolution qui s’étire. L’objet de l’ouvrage est donc de secouer la « fascination tyrannique des origines », qui réduit le XIXe siècle à un « entre-deux » (p. 7). Or, dans la réflexion sur française sur l’invention de la démocratie, l’œuvre de Tocqueville paraît surplomber les autres, de sorte qu’il est nécessaire d’entreprendre la « chronique de la conversation querelleuse des Français avec Tocqueville » (p. 8). En effet, si De la démocratie en Amérique devient un classique aux Etats-Unis dès 1835, son auteur, alors qu’il est aujourd’hui souvent exalté comme « prophète » (p. 12), semble largement délaissé de 1880 à 1950, relégué dans l’archaïsme par l’essor des sciences de l’homme.
jeudi 30 août 2012
samedi 11 août 2012
Bref tour d’horizon de la discographie de Hasse (6) : Les cantates de chambre
Si Johann Adolf Hasse s’est illustré dans le genre de l’opera seria, qui pouvait prendre des
dimensions monumentales (jusqu’à quatre ou cinq heures de musique), il a
également pratiqué des formes nettement plus brèves, notamment la cantate. Bien
qu’il soit demeuré dans ce domaine beaucoup moins productif que son maître
Alessandro Scarlatti, auteur de sept cents cantates, il a ainsi composé environ
quatre-vingts cantates. Par commodité, nous distinguerons les cantates de
chambre, pour voix avec accompagnement de basse continue et parfois d’un ou
deux instruments de dessus (flûtes ou violons), issues du genre de la cantate
italienne du XVIIe siècle, des cantates avec accompagnement d’orchestre,
souvent elles aussi désignées comme « cantate
da camera », mais nettement plus proches de l’opéra. On peut y ajouter
des airs séparés, qui se rattachent par leur style à l’un ou l’autre genre.
Les cantates de chambre de Hasse, souvent composées sur
des textes poétiques pastoraux et sentimentaux marqués par l’influence
arcadienne, suivent un modèle simple (deux airs, chacun précédé d’un récitatif,
parfois accompagné). Mobilisant peu de moyens, ces cantates, même si leur
immense majorité demeure à redécouvrir, ont fait l’objet de plusieurs
enregistrements de valeur inégale.
Cantates, volume 1, par Lia Serafini, Gabriela
Martellacci et l’Accademia del Ricercare dirigée par Pietro Busca
On peut mentionner tout d’abord le disque paru en 2008
chez Brilliant Classics et désigné comme le « volume 1 » d’une série
qui semble cependant n’avoir pas été continuée, ce qui est dommage, malgré les
faiblesses de l’interprétation (le chant aussi bien que l’accompagnement
instrumental de l’Accademia del Ricarcare semblent souvent très brouillons),
qu’aggrave une prise de son lointaine et défaillante ; en effet, le
disque, malgré ses travers, permet de découvrir des pages intéressantes et inédites
au disque, notamment l’aria pour soprano, violons et basse « Come l’ape », encore fortement
marquée par l’influence d’Alessandro Scarlatti, la cantate Il nome, pour alto, flûte et
basse continue, sur un texte de Métastase repris ultérieurement par Hasse à
Vienne avec un accompagnement instrumental plus développé, ou l’aria « Muta è l’imago », très élégante et
assez caractéristique du style de Hasse au début de sa carrière.
Bella mi parto,
par Kai Wessel et Musica Alta Ripa
De facture nettement supérieure, Bella mi parto déçoit cependant en raison du caractère souvent trop
lisse et terne de l’interprétation, ainsi que du choix de pièces instrumentales
(une sonate pour clavecin, une sonate en trio et un concerto pour mandoline)
qui sont loin de relever du meilleur de la production de Hasse, même dans ce
domaine. Les cantates retenues, typiques du genre de la cantate de chambre,
composées sur des poèmes marqués par l’Arcadie, sont cependant intéressantes,
surtout Se il cantor trace, où la
comparaison du poète à Orphée donne lieu à une musique très mélancolique et
expressive, tant dans les récitatifs (où les arpèges des violons imitent la
lyre) que dans les airs ; on peut noter aussi la beauté et le raffinement
des récitatifs accompagnés très théâtraux de Ah troppo è ver. L’interprétation du contre-ténor Kai Wessel, bien
qu’agréable, tend à manquer parfois de relief.
Cantates, ballades et sonates, par Julianne Baird et
Nancy Hadden
Le disque qu’il faut recommander, en ce qui concerne les
cantates de chambre, est plus probablement celui de la soprano Julianne Baird,
qui interprète un beau programme construit autour de deux cantates avec
accompagnement de flûte et basse continue ; le premier air de la cantate Quel vago seno, o fille, qui ouvre
l’enregistrement, une envolée élégante dont le style rappelle l’opéra et où la
flûte, loin d’être cantonnée à l’accompagnement du chant, a un véritable statut
de soliste, permet d’entendre des interprètes qui parviennent à restituer la
délicatesse de cette musique sans pour autant l’affadir. La cantate Fille, dolce, moi bene, moins
remarquable, n’en demeure pas moins une belle découverte. On peut noter aussi
que les pièces instrumentales (la sonate pour flûte en si mineur et la sonate
pour clavecin en ut mineur, toutes deux en quatre mouvements), contrairement à
celles qu’a retenues Musica Alta Ripa, sont intéressantes et interprétées sans
mollesse. La réduction pour viole de gambe et clavecin de l’aria « Ah Dio ritornate » de l’oratorio La conversione di sant’Agostino est
sensible, délicate et agréable. Les quatre ballades vénitiennes qui concluent
le disque sont d’attribution douteuse, à l’exception de « Grazie agl’inganni tuoi » ; ce
sont de courtes pièces simples et élégantes.
Jean Lodez
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