dimanche 25 mars 2012

Un aveu de taille du quotidien La Croix

On lit trop peu la rubrique « Livres et Idées » du quotidien assomptionniste La Croix. Livres et idées : cela nous dit bien ce que lit La Croix, et ce qu’elle en pense. Le numéro du jeudi 22 mars 2012 nous en donne un bon exemple. Ce numéro nous propose en effet (p. 16) une recension par le P. Marcel Neusch, assomptionniste, d’un ouvrage de Jean-Claude Larchet, « l’un des théologiens orthodoxes les plus en vues », intitulé L’Eglise Corps du Christ. Nature et structure, paru récemment aux éditions du Cerf. Que le P. Neusch soit attentif aux évolutions de la pensée orthodoxe est fort compréhensible : en effet, Jean-Claude Larchet nous présente une « image de l’Eglise » orthodoxe que l’on « gagne à mieux connaître si l’on veut progresser sur le chemin de l’unité ». Il s’agit donc, en rendant compte de ce livre, d’exposer rapidement les « divergences d’ordre théologique sur la nature de l’Eglise » entre catholiques et orthodoxes.
Ce qui surprend en revanche, ce sont les points qui suscitent l’approbation ou les réserves du P. Neusch. Par exemple, que l’auteur « marque à toute occasion sa réticence par rapport à la théologie romaine » ne semble pas appeler de la part du religieux assomptionniste davantage de commentaires. N’aurait-il pas été utile qu’un prêtre catholique vînt répondre aux objections formulées par un chrétien séparé contre la doctrine de l’Eglise de Rome ? Mais il est vrai qu’on peut encore attribuer une telle sobriété aux contraintes qu’impose évidemment au journaliste le cadre restreint d’un article de quotidien.

Une opinion sur le mariage des prêtres
On attribuera en revanche plus difficilement à ces contraintes les curieux propos que tient par la suite le P. Neusch : « On suivra sans peine sa justification du mariage des prêtres. » Quelle est cette justification, le lecteur de La Croix ne l’apprendra pas dans cet article : il saura seulement qu’un religieux assomptionniste, que l’on suppose célibataire, approuve le mariage des prêtres et par suite désapprouve probablement la discipline générale de l’Eglise latine, sans nous en donner les raisons. Le lecteur un peu étonné de tant de désinvolture vis-à-vis de ce que le Pape Benoît XVI présentait comme une anticipation de la vie à venir et un témoignage du scandale de la foi, pourra toujours songer que malgré sa bizarrerie, le discours du P. Neusch, s’il remet en cause la précieuse discipline et la spiritualité sacerdotale de l’Eglise latine, ne touche pas aux principes du sacerdoce.

Ce que pense La Croix de l’ordination des femmes
Il devra, hélas, réviser son jugement en lisant les lignes qui suivent, qu’il convient de citer dans leur intégralité. Car si l’on peut suivre « sans peine » les théories de Jean-Claude Larchet sur le mariage des prêtres, il y a un « mais », et de taille :
Mais on aura plus de mal à comprendre l’opposition irréductible de l’orthodoxie contre l’accession des femmes à la prêtrise, le principal argument étant que ça ne s’est jamais fait, à quoi s’ajoute « l’absence d’institution par le Christ », et d’autres arguments fort discutés en Occident.
C’est donc clair : on peut suivre notre théologien orthodoxe dans son plaidoyer pour le mariage des prêtres, mais pas dans son refus de l’accession des femmes aux ordres sacrés. L’on pourrait objecter que le P. Neusch trouve seulement que les arguments invoqués ne sont pas pertinents. Le problème tient à ce que les deux principaux arguments relevés, l’unanimité de la Tradition et l’institution divine du sacerdoce par Notre-Seigneur Jésus-Christ, sont précisément ceux qu’allèguent les Pontifes romains. « L’ordination sacerdotale des femmes, disait ainsi le Pape Paul VI en 1976 à l’archevêque de Canterbory, ne saurait être acceptée, pour des raisons tout à fait fondamentales. Ces raisons sont notamment : l’exemple, rapporté par la Sainte Ecriture, du Christ qui a choisi ses Apôtres uniquement parmi les hommes ; la pratique constante de l’Eglise qui a imité le Christ en ne choisissant que des hommes ; et son magistère vivant qui, de manière continue, a soutenu que l'exclusion des femmes du sacerdoce est en accord avec le plan de Dieu sur l'Eglise. » Et le Pape Jean-Paul II appuyait en 1994 dans Ordinatio sacerdotalis ces propos, explicitement cités, avec l’autorité qu’on sait : « Je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22,32), que l’Eglise n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l'ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Eglise. » Cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Eglise : on n’aurait pu être plus clair. La mention par Jean-Paul II de la constitution divine de l’Eglise, et par Paul VI de la pratique constante depuis les Apôtres, montrent assez que les arguments qu’un religieux assomptionniste de La Croix a « du mal à comprendre » sont justement ceux qu'ont souligné les Papes. Ce que le lecteur en tous cas aura du mal à comprendre, c’est ce en quoi consistent les « autres arguments fort discutés en Occident », le Souverain Pontife ayant justement déclaré que l’impossibilité de conférer l’ordre sacré aux femmes devait être « définitivement tenue » par les catholiques, c’est-à-dire n’était pas discutable. 


Une curieuse conception de l’œcuménisme   
Quel dommage : l’on peut suivre un théologien orthodoxe en tous points aussi longtemps qu’il n’est pas catholique. Qu’il vienne seulement à rappeler des vérités solennellement défendues par la sainte Eglise romaine, il convient d’affirmer, sur le ton de l’objectivité, avec force tournures impersonnelles (« on aura plus de mal à comprendre… »), sa réprobation.
L’aveu est de taille : certains rédacteurs de La Croix ne s’estiment aucunement tenus par les enseignements que l’Eglise du Christ, avec l’autorité la plus solennelle, tient pour parfaitement définitifs. Nous avions déjà pu relever, au fil des articles de ce quotidien, son refus implicite du Magistère sur un point aussi grave, touchant à la validité des ordres, c’est-à-dire à la perpétuation du sacerdoce de Notre-Seigneur. Ici ce refus est tout à fait explicite.
Cet aveu en contient un autre, qui concerne la conception de l’œcuménisme promue par ce journal. Loin de viser le retour à l’unique Eglise instituée par Jésus-Christ des chrétiens qui s’en sont séparés, ou même une vague et hypothétique « unité des chrétiens », l’œcuménisme de La Croix apparaît avant tout comme un puissant levier de remise en cause de l’enseignement de l’Eglise. Il ne nous reste plus qu’à remercier, si l’on peut dire, les rédacteurs de La Croix d’avoir pour une fois bien voulu nous faire connaître leurs vues avec autant de clarté.

Louis-Marie Lamotte

2 commentaires:

  1. Bravo pour votre recension. Je me suis fait traiter d'islamiste-radical-catho (sic) par un commentateur se présentant comme prêtre parce que je disais à la suite de l'encyclique Acrcanum que le mariage civil institué par l'Etat était illicite. L'Etat en effet n'a pas compétence dans les choses sacrées et doit renvoyer à l'Eglise, même pour les incroyants.

    Mais avouez que "islamiste-radical", même "catho", je n'avais jamais été insulté comme cela !

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    1. A mon avis, il n'y a pas de discussion, d'arguments, d'idée intéressante, originale dans cette recension. Je m'attendais à un vrai contre-débat. La recension est juste une recherche d'indices, de mots clés pour ensuite classer dans des catégories connues. C'est un travail mental, mais pas intellectuel, à mon humble avis...

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