Il ne s’agit pas ici de remettre en cause l’engagement
fort louable de Philippe Ariño contre le mariage homosexuel, et moins encore de
diviser les adversaires de ce funeste projet de loi : en effet, si nous
écrivons cet article, c’est parce que M. Ariño prétend parler de
l’homosexualité « en vérité », c’est-à-dire, puisqu’il est
catholique, en énonçant ce que nous disent l’Eglise et la morale naturelle de
l’homosexualité. Or c’est ici que le bât blesse, et que l’on peut parler
d’imposture, que celle-ci soit volontaire ou non – imposture ou inconscience, en
tous cas, de ces innombrables responsables d’aumôneries étudiantes ou
d’associations catholiques, de ces journalistes chrétiens qui nous ont donné,
avec fort peu de discernement semble-t-il, les positions de M. Ariño comme
exemplaires et conformes à l’enseignement de l’Eglise.
Il s’agit donc ici d’examiner la doctrine que prêche à
ses nombreux auditoires Philippe Ariño avec la bénédiction de tant d’organisations
catholiques ; si l’on peut à proprement parler de doctrine ; car,
ainsi qu’on l’a vu dans l’article précédent, son propos est pour le moins
confus, et il n’hésite pas, parfois à quelques lignes de distance seulement, à
affirmer une chose et son contraire, de sorte que sa pensée semble souvent se
dérober à l’examen. Cependant, cette confusion devrait suffire à dissuader les
responsables catholiques de recommander ses écrits et conférences ; et telle
qu’elle est exposée, sa doctrine est non seulement peu claire, mais également
propre à donner lieu à des erreurs très graves.
Ce qu’enseigne l’Eglise catholique
Comme nous l’avons déjà relevé dans l’article précédent,
Philippe Ariño déclare abonder dans le sens du Pape Benoît XVI et du Catéchisme
de l’Eglise catholique. Cependant, il ne se cache pas de ce que l’enseignement
actuel de l’Eglise lui paraît peu satisfaisant. En effet, « il Lui reste
[à l’Eglise] beaucoup de chemin à parcourir sur la question de
l’homosexualité », écrit-il. S’il fait l’éloge de « penseurs
catholiques » comme Véronique Margron, Xavier Thévenot et Xavier Lacroix,
ceux-ci « restent des exceptions[1] ».
L’Eglise, dans la masse de ses fidèles, de ses pasteurs et de ses théologiens,
continue donc selon M. Ariño à donner à la « question de
l’homosexualité » une réponse qui manque de justesse et de pertinence.
Il convient à cet égard de rappeler l’enseignement de
l’Eglise tel qu’il est exprimé fort clairement dans le Catéchisme de l’Eglise
catholique, qu’il n’est sans doute pas inutile de citer longuement :
2357 L’homosexualité
désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une
attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes du même
sexe. Elle revêt des formes très variables à travers les siècles et les
cultures. Sa genèse psychique reste largement inexpliquée. S’appuyant sur la
Sainte Ecriture, qui les présente comme des dépravations graves (cf. Gn 19,
1-29 ; Rm 1, 24-27 ; 1 Co 6, 10 ; 1 Tm 1, 10), la Tradition a
toujours déclaré que "les actes d’homosexualité sont intrinsèquement
désordonnés" (CDF, décl. "Persona
humana" 8). Ils sont contraires à la loi naturelle. Ils ferment l’acte
sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective
et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas.
2358 Un
nombre non négligeable d’hommes et de femmes présente des tendances
homosexuelles foncières. Cette propension, objectivement désordonnée, constitue
pour la plupart d’entre eux une épreuve. Ils doivent être accueillis avec
respect, compassion et délicatesse. On évitera à leur égard toute marque de
discrimination injuste. Ces personnes sont appelées à réaliser la volonté de
Dieu dans leur vie, et si elles sont chrétiennes, à unir au sacrifice de la
croix du Seigneur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer du fait de leur
condition.
2359 Les
personnes homosexuelles sont appelées à la chasteté. Par les vertus de
maîtrise, éducatrices de la liberté intérieure, quelquefois par le soutien
d’une amitié désintéressée, par la prière et la grâce sacramentelle, elles
peuvent et doivent se rapprocher, graduellement et résolument, de la perfection
chrétienne.
Cet enseignement est donc sans équivoque. Les actes
homosexuels sont « intrinsèquement désordonnés » ; par suite, le
désir homosexuel qui y conduit est une « propension objectivement
désordonnée ». L’Eglise appelle donc les personnes homosexuelles à la continence,
à laquelle elles peuvent parvenir avec les secours de la grâce communiquée par
la prière et par les sacrements.
Comment Philippe Ariño met en cause la définition de l’homosexualité
et la distinction entre tentation et péché
Il faut préciser aussitôt que Philippe Ariño a réussi à
renoncer à toute activité homosexuelle et vit dans la continence ; ce ne
sont donc en aucun cas ses mœurs personnelles, qui témoignent au contraire des
merveilles qu’a accomplies en lui la grâce de Dieu, qui rendent son discours douteux,
mais bel et bien la manière dont il pose, selon ses propres termes, la « question
de l’homosexualité ».
En effet, l’auteur ne laisse pas de se désigner comme une
« personne homosexuelle catholique-pratiquante ». Chacun conviendra
que ce qui caractérise une personne homosexuelle, c’est son homosexualité. Or
il faut rappeler ici la définition que donne de l’homosexualité le Catéchisme
de l’Eglise catholique : L’homosexualité
désigne les relations entre des hommes ou des femmes qui éprouvent une
attirance sexuelle, exclusive ou prédominante, envers des personnes du même
sexe. Si l’on examine cette définition, l’on s’aperçoit que l’homosexualité
ne désigne pas l’attirance sexuelle « exclusive ou prédominante, envers
des personnes du même sexe », mais en fait les relations entre les hommes
ou les femmes éprouvant cette attirance.
Ce point est loin d’être secondaire ; il est évident
dès lors que l’on transpose le cas de la tentation homosexuelle à une autre
tentation. Nul ne dirait d’une personne soumise à de fortes tentations contre
la pureté, mais qui conserverait la chasteté la plus édifiante, qu’elle vit
dans l’inconduite et est débauchée. De même, il est absolument abusif de dire d’une personne
chaste et continente qu’elle est homosexuelle parce qu’elle est soumise à des
tentations homosexuelles, à moins de remettre en cause la distinction toujours
affirmée par l’enseignement de l’Eglise et par les saints entre les tentations
non consenties, dont l’homme n’est aucunement responsable, et le péché, qui
commence dès lors que l’homme se met en quelque sorte à discuter avec ces
tentations et à s’y complaire.
Philippe Ariño, qui est continent, n’a donc, selon la
doctrine catholique, aucun titre à se déclarer homosexuel ; tout au plus
a-t-il un passé homosexuel, ce qui n’est pas la même chose ; on ne dit pas
des prêtres qu’ils sont des laïcs sous prétexte qu’ils l’ont été avant d’entrer
dans la milice de Jésus-Christ. En revendiquant sans cesse son homosexualité,
Philippe Ariño rend confuse la distinction entre la personne et ses actes
mauvais, qu’il affirme pourtant vouloir préserver ; à moins qu’il n’affirme
ainsi la permanence en lui non pas seulement de tentations, mais bel et bien d’un
désir homosexuel auquel il
consentirait intérieurement, de propos délibéré, quoique cela ne se traduise
pas par des actes extérieurs. Il ferait, dans ce dernier cas, l’apologie, ou du
moins l’étalage public d’un péché, qui place son lecteur dans une situation malsaine de voyeurisme : ce désir, nous dit en effet l’Eglise,
est une propension objectivement
désordonnée. C’est la raison pour laquelle nous désignons, dans le titre de
cette petite série d’articles, M. Ariño comme un homosexualiste catholique. Non
qu’il se prononce en faveur des revendications des groupes de pression « LGBT »,
auxquels il s’oppose avec un courage et une netteté qui l’honorent : mais
il fausse la définition de l’homosexualité en la faisant passer des actes
homosexuels, objectifs, à un désir
homosexuel dont la valeur est peu claire, puisqu’il s’agit tour à tour,
dans son article, d’un désir qui tend dans son « essence » à des
comportements désordonnés et d’un désir qui selon lui, quoiqu’il ne soit pas idéal, n’est
pas pour autant mauvais. Cette confusion et ce refus initial de la définition
claire et objective que l’Eglise donne de l’homosexualité ne sont pas sans
conséquences dans la poursuite de sa réflexion.
On voit donc pourquoi M. Ariño estime qu’il reste à l’Eglise
du chemin à parcourir sur la question
de l’homosexualité : en effet, cette question, il la pose en termes
radicalement différents de la doctrine catholique, appuyée sur la saine
philosophie et l’enseignement le plus clair de la Révélation.
Louis-Marie Lamotte
(A suivre)
[1] Pour être honnête et exact, il
faut préciser que la phrase de Philippe Ariño est peu claire en raison d’une
vraisemblable faute de frappe. En effet,
l’auteur emploie un singulier : « il reste des exceptions ».
Cependant, l’adverbe qui suit (« malheureusement ») et le contexte
dans son ensemble, notamment l’affirmation selon laquelle il reste à l’Eglise
beaucoup de chemin à parcourir, font penser qu’il faut ici corriger et lire
« ils restent des exceptions ».
Oui bon, mais Philippe Arino est-il un docteur de l'Église? Non, alors on ne lui demande que ce qu'il peut offrir: un témoignage. Je ne trouve pas inintéressantes ni même inutiles vos remarques, mais à la fin, qu'est-ce qu'il fait? 1- Il s'oppose au "mariage" homosexuel. 2- Il prône la continence en commençant par lui-même. 3- Il s'oppose aux groupes LGBT, avec grand mérite, alors que de nombreux hétérosexuels les appuient!... Je vous trouve très étrange de chicaner un allié. N'est-ce pas saint Pie X qui disait: "Que tous, tant qu'ils sont, et les catholiques et ceux qui ont à coeur le simple amour du juste et de l'honnête se joignent à nous pour le bien commun". On pourrait les citer plus souvent ces paroles-là, chez les tradis, ça ferait du bien.
RépondreSupprimer"La morale chrétienne est-elle laïque ?", Artège 2012
RépondreSupprimer"Il faut reconnaître à Xavier Thévenot le mérite de s’être penché de façon approfondie sur la question. Mais il est conduit, par sa méthode, à s’écarter significativement du Magistère, comme le montre l’étude de cas proposée dans Repères Ethiques :
« Par exemple, un des conjoints d’un couple hétérosexuel se découvre homosexuel, que va-t-il devoir faire pour construire sa vie affective en respectant celle de sa femme ? »
Est-ce bien la question ? Construire sa vie affective, c’est construire une vie affective ordonnée, sauf à donner dans l’esthétisme moral déjà évoqué.
La norme universelle est donnée par l’auteur « Accepte-t-il l’interpellation de l’Église qui nous rappelle que l’homosexualité ne peut jamais être prise pour un idéal ? » . Seulement cette norme utopique, vide par définition, ici est inopérante, puisque par hypothèse ici on admet que le conjoint découvre qu’il est homosexuel. Et puis, Thévenot l’a dit, la norme universelle est un idéal vide de contenu. Aussi faut-il se rabattre sur la norme particulière, qui est le fruit de l’expérience dans une société donnée. Mais retenu de parler d’actes volontaires objectivement désordonnés, ou intrinsèquement mauvais, Thévenot se contente de dire que « les actes homosexuels sont toujours des actes marqués d’une limite objective importante » , de telle sorte qu’ils finissent par être acceptables puisque ce n’est qu’une limite.
« Tout le problème sera donc pour l’homosexuel chrétien de réguler son type spécifique de sexualité sous l’action de l’Esprit Saint » .
C’est là admettre que l’homosexualité est un « type spécifique de sexualité », ce qui assez discutable.
suite...
RépondreSupprimerObservons cependant qu’un acte objectivement désordonné a beau être régulé, il reste objectivement désordonné. C’est l’enseignement constant du magistère rappelé expressément par persona humana et dont Thévenot admet par ailleurs s’écarter dans sa thèse sur l’homosexualité masculine. Désordonné, dans une éthique du bien, veut dire que l’homosexualité, par sa structure, n’est pas ordonnée au bien de la personne, parce que les actes qu’elle fait poser s’oppose aux exigences de la nature de la personne. Dans une éthique du droit, « désordonné » signifiera au contraire « transgressif », laissant la conscience décider du bien et du mal.
Il va donc rester la norme singulière. L’auteur donne quelques indications de ce qu’elles pourraient être .
« …[L’homosexuel est] souvent contraint à faire partie des exclus qui n’ont pas le droit de vivre à visage découvert. Aussi la Bonne Nouvelle du Christ (…) s’adresse-t-elle à l’homosexuel avec une certaine priorité » , mais pourtant ce n’est pas en tant qu’homosexuelle, mais en tant qu’exclue qu’il est question d’une personne. Cela ne permet pas d’affirmer que ce qui est désigné ici comme cause de l’exclusion soit un bien. Le paralogisme là encore est évident. Si le Christ vient d’abord pour les pécheurs, cela ne fait pas du péché un bien ni du fameux felix culpa un cri de reconnaissance pour l’existence de l’homosexualité.
On retrouve la même confusion plus loin :
« [Les homosexuels] ne cessent de répéter que les normes destinées aux hétérosexuels ne leur sont pas toutes applicables telles quelles (…) La fidélité au sens habituel du terme semble alors souvent être hors de portée de l’homosexuel »
Mais l’Église ne demande pas aux personnes homosexuelles d’être fidèles lpuisque là n’est pas la question. En réalité, l’Église ne reconnaît pas le couple homosexuel, il est donc déplacé de leur demander d’être fidèles. C’est comme si on demandait au mari infidèle d’être bien à l’heure au rendez-vous avec sa maîtresse parce que la ponctualité est une vertu.
Plus loin, encore : « Je pense que l’orientation homosexuelle est par rapport à l’orientation hétérosexuelle une forme de limite objective, mais que cette limite, loin de faire de l’homosexuel un sous-homme, peut être assumée et régulée par lui de façon telle qu’elle peut être l’occasion de faire grandir sa personnalité d’homme et de croyant. Ainsi verra-t-on des homosexuels dont la vie globale pourra devenir signe pour des hétérosexuels qui mésusent de toutes les richesses de leur orientation sexuelle » .
Il y a bien évidemment des hétérosexuels qui se droguent ou qui trompent leur femme, mais ce n’est pas en tant qu’ils sont hétérosexuels, car un homosexuel peut en faire autant. Ce n’est pas en tant qu’homosexuel que celui-ci sera meilleur sous un certain point de vue que l’hétérosexuel. Cela ne fait donc pas de l’homosexualité une vertu Tel ivrogne appréciera peut-être mieux un grand cru qu’un homme qui ne boit que de l’eau. Cela ne fait pas de son ivrognerie une vertu .