lundi 3 décembre 2012

Les impostures d'un homosexualiste catholique (1) : Comment affirmer une chose et son contraire

Depuis quelque temps, on entend beaucoup parler, dans les milieux catholiques opposés à la légalisation du mariage homosexuel, d’un professeur d’espagnol en classe préparatoire, Philippe Ariño, catholique et homosexuel revendiqué. Il suffit, pour se convaincre du grand cas que l’on fait de sa personne, de consulter la page d’accueil du site qu’il tient sur la toile, Araignée du Désert[1] : l’on ne compte plus ses conférences, ses interventions médiatiques, si nombreuses en vérité qu’il lui a fallu demander un année de congé afin de les mener à bien. On peut même dire qu’il a acquis, dans certains milieux, il est vrai fort restreints, une telle notoriété qu’il en exerce presque comme un magistère laïc : comme si, fort de sa double condition de catholique et d’homosexuel, il était seul habilité à expliquer la position de l’Eglise catholique en matière d’homosexualité.



C’est cette dernière raison qui nous pousse à écrire cet article. En effet, il est pénible, en ces temps où il importe particulièrement que les catholiques demeurent unis face aux lois gravement contraires à la morale naturelle et aux droits de Dieu que prépare le gouvernement actuel, de devoir contredire ouvertement un opposant à ces projets de loi qui professe lui-même la religion catholique, apostolique et romaine. Cependant, ses écrits abondent en erreurs parfois si dangereuses, sous couvert de défense généreuse de l’Eglise romaine, Mère et Maîtresse de sagesse et de vérité, qu’il nous a semblé impossible de ne pas les relever. En effet, comme on va le voir, c’est la doctrine et la foi même de l’Eglise qui sont mises en cause par Philippe Ariño.
Il ne s’agit pas ici de juger des intentions profondes de celui-ci. Dieu seul connaît le secret des cœurs : c’est pourquoi Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a commandé de ne pas juger. Cependant, comme l’homme spirituel juge de tout, selon la parole de l’Apôtre, il convient d’examiner, au for externe, les étranges doctrines que professe M. Ariño. Si nous parlons d’imposture, ce n’est donc pas que nous accusons cet auteur d’hypocrisie : c’est seulement qu’il nous apparaît, à la lecture de ses écrits, que le public catholique, avide certainement de paroles propres à lui permettre de mieux comprendre l’enseignement de l’Eglise, accorde à ses œuvres une attention qu’elles ne méritent pas, et qui risque d’introduire dans le peuple chrétien, quelles que soient les intentions de M. Ariño, tout un venin d’erreurs particulièrement pernicieuses qui bafouent la vérité et la sainteté de la doctrine catholique et égarent certainement bien des âmes de bonne volonté.
 
Comment Philippe Ariño affirme une chose et son contraire
Il suffit, pour s’en convaincre, de lire un très long article qu’il a publié sur son site sous le titre évocateur : « Eglise catho, personnes homos : l’absurde opposition ; l’absurde confusion[2] ». Il faut préciser tout d’abord qu’il est vrai que la clarté ne semble pas la qualité première de la prose de M. Ariño ; ainsi le voit-on affirmer une chose et son contraire, sans qu’il en paraisse aucunement incommodé. « Quand le Pape Benoît XVI énonce que les actes homosexuels sont « intrinsèquement désordonnés », j’abonde dans son sens », écrit-il, et c’est heureux, mais c’est pour mieux déclarer un peu plus bas que « tous les « actes homosexuels » ne sont pas mauvais : cela dépend de notre manière de vivre notre désir homosexuel, et celui-ci ne se vit pas qu’en termes génitaux ou violents », en se payant le luxe de regretter « l’imprécision lexicale » dont fait trop souvent preuve l’Eglise, ce qui laisse songeur quand on voit la manière dont il semble ici comprendre les termes d’ « intrinsèquement désordonnés ». « Le désir homosexuel témoigne d’un déséquilibre », dit-il, mais « il ne s’agit ni d’un désir mauvais ni d’un désir pour autant idéal », d’où il suit que le déséquilibre, s’il n’est pas idéal, n’est pas mauvais non plus. Il « cautionne l’appel ecclésial lancé aux personnes homosexuelles à la continence et à l’abstinence sexuelle » mais  déplore que l’Eglise « ne parle que très rarement de nous, les « hommes homosexuels »… sauf pour nous dire qu’Elle nous accueille à la condition que nous changions » : ce qui signifie donc qu’il cautionne ce qu’il déplore[3], ce qui est pour ainsi dire très singulier. On aurait pu désirer davantage de clarté et de logique ; peut-être nous objectera-t-on que la complexité de la pensée de Philippe Ariño nous a échappé, mais il faut bien dire dans ce cas que l’expression de cette pensée aurait pu être plus rigoureuse, tant il semble constamment affirmer une chose et son contraire, à quelques pages et parfois à quelques lignes de distance seulement.
 
Comment Philippe Ariño disqualifie ses contradicteurs
Puisque la pensée de M. Ariño semble se dérober à une analyse systématique tant elle semble se contredire sans cesse, il n’est probablement pas inutile, afin de mieux comprendre ce qu’il préconise, de savoir ce qu’il rejette. Ses contradicteurs, qui sont rarement explicitement nommés dès lors qu’ils sont catholiques[4], sont en effet attaqués en terme passablement violents. A plusieurs reprises, Philippe Ariño suggère que lesdits adversaires catholiques ne le sont que de nom : « Méritent-ils d’être appelés catholiques ? » se demande-t-il. L’accusation est donc grave : ses contradicteurs sont immédiatement désignés comme des pharisiens qui adorent Dieu des lèvres, mais dont le cœur est loin de lui. Est-elle justifiée pour autant ?
Qui sont ces adversaires ? est-il donc permis de se demander. Des « catholiques intégristes », écrit-il. Mais ce que sont ces « intégristes », leurs doctrines, leurs pratiques, le lecteur n’en saura rien, du moins dans cet article, car pas un nom n’est donné, pas un texte n’est cité. L’on saura d’eux, en revanche, qu’ils sont « homophobes », mais ce terme, souvent utilisé, n’est jamais défini par l’auteur. Ce n’est cependant pas le seul trait par lequel il les caractérise. L’auteur se livre en effet à une fort longue et bien curieuse énumération de « détournements » de ce qu’est vraiment l’Eglise du Christ, incluant « les guerres de religion, les commandos anti-IVG, l’Inquisition, la colonisation sauvage, la misogynie de certains clercs, la collaboration aux régimes fascistes, le massacre de la Saint Barthélemy, le silence sur les camps de concentration, la période d’appât du gain et du pouvoir de l’Église-institution, l’interdiction absurde de certains ecclésiastiques sur le préservatif, les violations de la dignité humaine au nom de l’annonce de l’Évangile, les scandales au sujet des prêtres pédophiles (dont on entend énormément parler en ce moment), l’insupportable et racoleuse « papemania » JMJiste, la condamnation religieuse « des homos », certaines missives assassines de Tony Anatrella, le christianisme stigmatisant les plaisirs corporels ». On demeure perplexe en voyant l’opposition courageuse de catholiques à l’avortement, « crime abominable », pour reprendre les mots du dernier Concile, mise sur le même plan que la collaboration aux régimes fascistes, les guerres et le « silence sur les camps de concentration » ; de même qu’on demeure perplexe face à la dénonciation par Philippe Ariño de l’ « interdiction absurde de certains ecclésiastiques sur le préservatif » (sic), interdiction parfaitement conforme à la doctrine catholique constamment rappelée par les Papes – faut-il croire que ces « certains ecclésiastiques » se nomment Paul VI, Jean-Paul II ou Benoît XVI ? En effet, l’Eglise n’admet, sous aucun prétexte, l’usage de la contraception. Que le refus du préservatif, qui devrait être pourtant absolument logique de la part d’hommes d’Eglise soucieux d’instruire le peuple chrétien dans la conformité avec l’enseignement des pontifes romains, soit désigné comme « absurde » devrait laisser songeur les catholiques qui ici ou là réclament une intervention de Philippe Ariño : veut-il, oui ou non, défendre la saine doctrine catholique sur l’homosexualité, ou faire progresser des idées qui lui sont propres ?
 
Comment Philippe Ariño méprise « l’âge de pierre »
Il faut ajouter que l’auteur ne se contente pas de s’en prendre aux catholiques qu’il considère comme « intégristes ». « J’ai mal à mon Eglise », écrit-il. Il convient ici de le citer plus longuement :
Il est, à mon avis, désolant d’entendre encore de la bouche de la majorité des personnes catholiques des arguments aussi simplistes que : « L’homosexualité, ce n’est pas dans le projet de Dieu car c’est dit dans la Bible. » ; « L'homosexualité n'est pas normale et le couple homosexuel rejette fondamentalement l'altérité. » ; « Dieu a créé l’homme ET la femme. Ce n’est pas par hasard. » Plus inaudibles encore sont les formules compassionnelles du genre : « L’Église, à la suite du Christ, nous apprend à toujours haïr le péché, mais à aimer les pécheurs. » J’ai l’impression qu’on est restés encore à l’âge de pierre quand j’entends ce type de discours.
D’où il suit que régler son jugement sur les saintes Ecritures, inspirées par le Saint-Esprit et interprétées conformément à la Tradition de l’Eglise, est user d’un argument simpliste, de même qu’invoquer le récit que fait le livre de la Genèse de la création de l’homme et de la femme (Gn I, 27). Mais ce qui apparaît surtout, bien plus que le simplisme réel ou supposé de ces arguments, c’est le profond mépris dans lequel l’auteur semble tenir la Révélation ; nous y reviendrons. Philippe Ariño, cependant, ne se contente pas de dénoncer tel ou tel argument simpliste, ce qui pourrait encore être légitime, tant il est vrai qu’une certaine théologie du corps, fort répandue dans les paroisses et les milieux conservateurs, a multiplié les équivoques et finalement la confusion. C’est l’une des plus illustres maximes de l’Eglise qu’il déclare tout uniment « inaudible » : L’Eglise hait le péché mais aime le pécheur. Ici, ce n’est pas seulement des arguments, parfois mal exposés par ceux qui les avancent, que Philippe Ariño rejette : c’est l’attitude catholique face au péché qu’il associe à l’ « âge de pierre » – procédé qui devrait laisser songeur, quand l’on sait que l’auteur n’apprécie pas les arguments simplistes. Il s’en désole, écrit-il. Il devrait se désoler surtout du profond mépris dont il accable sans motif les catholiques fidèles bien évidemment attardés qui demeurent sourds à ses confuses théories pour s’en tenir au plus sûr enseignement de leur sainte Mère l’Eglise romaine.
 
Louis-Marie Lamotte
 
(A suivre)


[3] Pour être tout à fait exact, il s’agit de l’Eglise à laquelle il a « mal » : « J’ai mal à mon Eglise », écrit-il.
[4] Les protestants quant à eux, notamment évangéliques, sont plus directement et nommément maltraités.

4 commentaires:

  1. Je serais curieuse de savoir ce que signifie "être catholique" pour cette personne car si j'en crois votre article (et je n'ai aucune raison de ne pas le faire), il semble rejeter l'essentiel de la foi catholique ! Peut-être que "être catholique" signifie pour lui une vague croyance en un dieu bonasse sans exigence, indifférent à ce qui abîme l'homme, mais dans ce cas rien à voir avec le Christ.

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  2. Peut-être ne serais-je pas aussi catégorique que vous : en effet, comme je l'ai écrit, cet auteur semble écrire une chose et son contraire sans que cela paraisse lui poser problème. Je ne dirais pas en tous cas que pour lui "être catholique" signifie croire en un "Dieu bonasse", mais il me semble en revanche que son discours est gros de conséquences désastreuses, au-delà de la confusion qu'il ne manque pas de susciter, en ce qui touche à la conversion, à la grâce, à la vie du Christ en nous, comme je vais m'efforcer de l'expliquer dans le prochain article.
    Merci beaucoup pour votre commentaire,

    Louis-Marie Lamotte

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    1. Effectivement, votre nouvel article donne un autre éclairage sur un cheminement qui précède une formulation délivrée de ses contradictions. Qu'on me pardonne cette réaction trop vive, due à la tristesse de voir trop souvent le visage du Christ défiguré par les limites de nos intelligences ou de nos générosités où l'on aimerait l'enfermer. Mais, il ne s'agit pas de condamner des personnes, surtout pas celles qui cheminent comme elles peuvent vers la Vérité, en essayant de s'y retrouver dans la confusion ambiante, mais de fausses doctrines qui sont trop souvent soutenues par des théologiens ayant pignon sur rue et qui contribuent à alimenter la confusion pour le croyant lambda (que je suis) qui cherche à nourrir sa foi et peut parfois frapper à de mauvaises portes ! En tous cas merci pour votre blog très intéressant.

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  3. J'ai une autre écoute des propos de Philippe Arino. Ok il y a chez lui des contradictions voire des confusions. Il est conscient, je crois, de cette part de confusion en lui. Le plus important n'est-il pas à voir dans son courage, sa tentative d'une réelle et complète transparence par rapport à son vécu. L'important c'est aussi sa connaissance du milieu homosexuel, son amour de l'Eglise et du Christ. Il aime à sa façon (comme chacun de nous nous aimons à notre façon et dans nos représentations) l'Eglise, le Christ et la (sa) vérité. Et sa vérité si elle est en Christ le rendra libre.Ce qui est important c'est son étonnant cheminement; laissons lui le temps de construire son propos et acceptons d'être décentré. Son propos touche un grand nombre de personne du milieu homo et ose parler du Christ et de l'Eglise au coeur de ces tempêtes actuelles sur le (faux) débat du mariage pour tous; rien que cela c'est énorme. Ok pour remettre de points sur des "i" mais d'abord dire que nous aimons sa personne profonde, celle qui cherche inlassablement (et avec les (ses) moyens du bord limité, comme chacun de nous). Dire donc que nous l'aimons surtout pour ce qu'il est en profondeur comme chercheur de sens. Contempler son coeur avec le regard du Christ. Hors débat, hors vexation, hors réaction, mais dans une relation d'altérité fraternelle avec lui.

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