Il me semble avoir établi, dans les articles précédents,
que Philippe Ariño, s’appuyant sur une définition de l’homosexualité fausse,
absurde et contraire à l’enseignement de l’Eglise, faisait de l’Ecriture sainte
un usage pour le moins curieux et allait jusqu’à déclarer qu’il n’existe pas
d’incompatibilité réelle entre foi et homosexualité. Il est inévitable que ce
qu’il faut appeler la doctrine théologique et spirituelle de Philippe Ariño se
ressente fortement des principes erronés sur lesquels elle s’appuie. D’aucuns
objecteront peut-être que M. Ariño n’est pas considéré comme docteur de
l’Eglise – ce qui est heureux – et qu’il ne propose qu’un témoignage ; son
article, hélas, ne va dans le sens de cette seconde affirmation.
Comment Philippe Ariño nous parle du salut en
Jésus-Christ
L’article dont nous faisons le commentaire comprend en
effet un long paragraphe où l’auteur nous fait part de ses vues proprement
théologiques et spirituelles. « La Bible n’a jamais énoncé que toutes les
personnes homosexuelles grilleraient en enfer, ni qu’elles seraient sauvées à
la condition de revenir sur le droit chemin et d’arrêter d’être homosexuelles »,
écrit-il après avoir cité un passage de l’épître aux Ephésiens dont on ne voit
pourtant pas très bien le rapport avec l’homosexualité[1].
Cette phrase, nous y reviendrons, mélange allègrement le vrai et le faux, et
débouche sur un développement pour le moins surprenant : « Elle [la
Bible] dit carrément qu’elles [les personnes homosexuelles] sont déjà les
premières sur le chemin de la sainteté, puisque la sainteté est d’abord don de
Dieu avant d’être une question d’actes et de mérites personnels. » Et
l’auteur de poursuivre, en bonne logique : « Les prostituées
évangéliques précèdent les justes dans le Royaume des Cieux, non parce qu’elles
sont réellement exemplaires, mais parce qu’elles espèrent le Salut tout en
sachant que leurs actes n’y donnent pas droit. Elles attendent avec plus de foi
la miséricorde reçue de Dieu que de bons croyants pétris de certitudes, qui
n’espèrent rien de Lui, et qui se font auteurs de leur propre rédemption[2]. »
Et de conclure : « Il n’y a donc aucune incompatibilité entre
sainteté et homosexualité ! » Si l’on en doutait encore, la compatibilité
entre foi et homosexualité affirmée par Philippe Ariño n’est pas la possibilité,
que personne ne nie, qu’un homosexuel croie tout ce que l’Eglise croit en vertu
de l’autorité de Dieu, mais la compatibilité
entre l’homosexualité et la sainteté.
Comment Philippe Ariño comprend l’Evangile
M. Ariño n’enseigne certes pas que des erreurs. Il a
raison de rappeler que le salut nous est donné gratuitement par Dieu alors que
nous avions tous mérité l’enfer. Il a raison de rappeler également que
Notre-Seigneur choisit qui il veut, que le jugement n’appartient qu’à
lui ; qu’il est venu non pour les justes, mais pour les pécheurs, qu’en
prétendant être justes en nous passant de sa grâce, nous nous illusionnons
gravement. Mais c’est au milieu de toutes ces grandes et belles vérités
évangéliques que l’auteur introduit une erreur qui vient les fausser toutes. En
effet, l’ensemble du paragraphe pourrait s’entendre dans un sens tout à fait
catholique, si M. Ariño ne lui donnait lui-même une clef d’interprétation tout
simplement inacceptable : La Bible
n’a jamais énoncé que les personnes homosexuelles seraient sauvées à la
condition de revenir sur le droit chemin et d’arrêter d’être homosexuelles.
On peut d’ailleurs noter les procédés singuliers dont use l’auteur ; cette
proposition, en effet, en suit une autre où l’enfer est évoqué dans les termes
les plus ridicules (« griller »), qui laissent penser que c’est avec
une sorte de délectation aussi mauvaise que caricaturale que l’on rappelle que
les peines de l’enfer sont le salaire dû au péché mortel[3].
Revenons cependant à cette proposition : La Bible n’a jamais énoncé que les personnes
homosexuelles seraient sauvées à la condition de revenir sur le droit chemin et
d’arrêter d’être homosexuelles. Telle est l’affirmation à l’aune de
laquelle il faut comprendre tout le passage. Les prostituées évangéliques
telles que semble les concevoir Philippe Ariño ne sont pas
« exemplaires » non seulement au sens où elles ont longtemps vécu
dans l’inconduite, mais également au sens où elles n’ont pas besoin, pour être sauvées, de s’efforcer
de devenir exemplaire. Dans le fond, à la lecture de cet article, la grande
vérité de l’Evangile qui semble échapper à M. Ariño, c’est celle de la
conversion. Notre-Seigneur est venu appeler des pécheurs, mais pour en faire
des saints. Saint Pierre le renie trois fois, mais c’est pour mieux confesser
par trois fois l’amour qu’il portera jusqu’au martyre (Jn XXI, 15-19). Zachée a
abusé de sa position de percepteur, mais il donne aux pauvres la moitié de ses
biens et restitue le quadruple de ce qu’il a volé (Lc XIX, 8). On ne pense pas,
à la lecture de l’Evangile, que la Samaritaine, après que Notre-Seigneur lui a
dit tout ce qu’elle a fait, ait continué à vivre avec l’homme qui n’est pas son
mari (Jn IV, 18). L’épisode de la femme adultère nous dit plus explicitement
encore ce que Jésus attend de nous : « Allez, et ne péchez
plus » (Jn VIII, 11).
Comment Philippe Ariño ignore la nécessité de la
pénitence
L’Evangile nous montre donc comment des pécheurs, s’étant
généreusement, à l’appel du Christ, attaqué à leur vice dominant, l’ont vaincu
avec les secours de sa grâce. En effet, Notre-Seigneur est venu pour que nous
ayons la vie en abondance (Jn X, 10) ; or, dit saint Paul, « le
salaire du péché, c’est la mort ; mais le don de Dieu c’est la vie éternelle en
Jésus-Christ Notre-Seigneur » (Rm VI, 23). Comment Jésus, qui est venu
nous communiquer sa vie, ne voudrait-il pas que nous soyons libérés des péchés
qui nous condamnent à mort ?
Notre-Seigneur nous a du reste donné par deux fois un
avertissement fort clair : « Si vous ne vous repentez pas, vous
périrez tous » (Lc XIII, 3 et 5). Or ce repentir, cette pénitence intérieure
que Notre-Seigneur exige de nous et dont font preuve éminemment les prostituées
évangéliques, n’est pas seulement la conscience que nos actes ne nous donnent
pas droit au salut. En effet, dit le Catéchisme de l’Eglise catholique (§1431),
« la pénitence intérieure est une réorientation radicale de toute la vie,
un retour, une conversion vers Dieu de tout notre cœur, une cessation du péché,
une aversion du mal, avec une répugnance pour les mauvaises actions que nous
avons commises. En même temps, elle comporte le désir et la résolution de
changer de vie avec l’espérance de la miséricorde divine et la confiance en
l’aide de sa grâce. » On ne saurait être plus clair. Philippe Ariño a
raison de dire les prostituées évangéliques sont sauvées parce qu’elles
espèrent avec plus de foi que les pharisiens la miséricorde divine ; mais
précisément, l’espérance en la miséricorde de Dieu est la confiance absolue que
par les mérites de Jésus-Christ et non par nos propres forces, nous pouvons
obtenir toutes les grâces dont nous avons besoin pour rompre tout attachement
au péché et persévérer dans le bien. Je peux tout, dit saint Paul, en celui qui
me fortifie (Phil IV, 13).
Comment Philippe Ariño ignore la nécessité du bon
propos
La vraie pénitence, celle par laquelle Dieu nous montre
sa miséricorde, nous libère de nos péchés et nous ramène à lui, est celle qui
comporte le ferme propos de ne plus
pécher. Comme le rappelle le saint curé d’Ars, « une véritable contrition
doit renfermer un bon propos, c'est-à-dire une ferme résolution de ne plus
pécher à l’avenir ; il faut que notre volonté soit déterminée et que ce ne
soit pas un faible désir de se corriger ; l’on n'obtiendra jamais le pardon de
ses péchés si l'on n’y renonce pas de tout son cœur. » La première marque
d’un bon propos, nous dit encore le saint curé, « c’est le changement de
vie ; c’est celui-ci qui nous le montre le plus sûrement et qui est le moins
sujet à nous tromper. » Et il ajoute : « la deuxième marque d’une
véritable contrition est la fuite des
occasions prochaines du péché[4] ».
S’autoriser de la miséricorde de Dieu pour différer sa conversion, voire pour y
renoncer, est donc une impiété qui signale l’absence de toute contrition vraie.
Comment l’affirmation de Philippe Ariño selon laquelle les personnes
homosexuelles n’ont pas besoin, pour être sauvées, de cesser d’être
homosexuelles n’apparaîtrait-elle pas, à la lumière de la doctrine de l’Eglise
et des saints, dans toute son absurdité, dans toute sa fausseté, dans tout ce
qu’elle a de contraire à l’authentique esprit de l’Evangile ?
Louis-Marie Lamotte
(A suivre)
[1] « Ce
mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au
partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile »
(Eph III, 2-3).
[2] Voici ce passage
dans son intégralité : « Beaucoup de personnes homosexuelles ne
retiennent que les passages bibliques où les actes homosexuels sont lourdement
condamnés. Mais elles délaissent ceux qui leur offrent des perspectives plus
larges, car elles ont réellement le désir d’être maudites par le Ciel. Manque
de chance : la Bible n’est pas aussi dure avec elles qu’elles ne le voudraient.
Dans sa lettre aux Éphésiens (3, 2-3), saint Paul révèle ce qu’il appelle « le
mystère du Christ » : « Ce mystère, c’est que les païens sont associés au même
héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus,
par l’annonce de l’Évangile. » La Bible n’a jamais énoncé que toutes les
personnes homosexuelles grilleraient en enfer, ni qu’elles seraient sauvées à
la condition de revenir sur le droit chemin et d’arrêter d’être homosexuelles.
Elle dit carrément qu’elles sont déjà les premières sur le chemin de la
sainteté, puisque la sainteté est d’abord don de Dieu avant d’être une question
d’actes et de mérites personnels : « En vérité je vous le dis, les publicains
et les prostituées arrivent avant vous au Royaume de Dieu » déclare Jésus
(J'aurais pu également vous citer Gen, 18, versets 20-32). Les prostituées
évangéliques précèdent les justes dans le Royaume des Cieux, non parce qu’elles
sont réellement exemplaires, mais parce qu’elles espèrent le Salut tout en
sachant que leurs actes n’y donnent pas droit. Elles attendent avec plus de foi
la miséricorde reçue de Dieu que de bons croyants pétris de certitudes, qui
n’espèrent rien de Lui, et qui se font auteurs de leur propre rédemption. Dans
la Bible, il est marqué noir sur blanc que Dieu ne choisit pas des gens
parfaits pour annoncer son Royaume, mais des fous. Je crois personnellement que
ce sont elles, les « folles », qu’Il élit pour le révéler. « Ce qui est folie
dans le monde, Dieu l’a choisi pour confondre les sages. » Toute personne
homosexuelle est donc, selon les Saintes Ecritures, élue par Dieu pour
l’annoncer, au même titre que tous les Hommes. À entendre le discours biblique,
il n’y a donc aucune incompatibilité entre sainteté et homosexualité ! »
[3] « La Bible
n’a jamais énoncé que toutes les personnes homosexuelles grilleraient en
enfer. »
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