mardi 13 mars 2012

Une contribution du quotidien La Croix à la Journée de la femme…

Mme Schori, présidente de l'Église épiscopalienne des Etats-Unis (Source : MessaInLatino)

Par souci peut-être d’apporter sa contribution à la Journée de la femme, le quotidien assomptionniste La Croix a jugé bon de publier le jeudi 8 mars un article (p. 19) signé par Tristan de Bourbon, correspondant du journal à Londres, intitulé « Les femmes prêtres trouvent leur place dans l’Eglise anglicane ». L’article se veut certainement neutre, informatif. Il se fonde sur le témoignage de trois femmes anglicanes : Rosie Harper, âgée de 56 ans, ancienne cantatrice, « prêtre » depuis 2000, Sally Hitchiner, âgée de 32 ans et Katie Tupling, âgée de 37 ans, « vicaire de trois paroisses proches de la ville de Derby ».

Une opposition qui "se concrétise de manière extrême"
« Toutes les trois, nous apprend l’article, ont rencontré un accueil chaleureux des paroissiens. » Elles n’en ont pas moins été confrontées à quelques difficultés. En effet, dit Rosie Harper, la « question » se pose au moins avec un « nombre restreint de membres du clergé », qui « se braquent » et expriment une opposition, qui, selon les termes du journaliste, « se concrétise parfois de manière assez extrême ». Le lecteur qui s’attend déjà à des agressions ou à des menaces de mort découvre alors avec stupeur que, comble des horreurs, « certains prêtres hommes refusent de toucher [les huiles pour le sacrement des malades] utilisées par une femme prêtre » et que « l’évêque de Londres n’a jamais ordonné de femmes ». Opposition extrême, on le voit.

De curieuses omissions
Ce qu’omet simplement de préciser Tristan de Bourbon, c’est que ni Rosie Harper, ni Sally Hitchiner, ni Katie Tupling ne sont prêtres, et pour plusieurs raisons. La première est la plus simple : la succession apostolique étant interrompue chez les anglicans, et leur hiérarchie étant éteinte, l’on ne trouve parmi eux que des laïcs. La question, fort grave, et soulevée avec une acuité toute particulière lors des conversations de Malines entre le cardinal Mercier et Lord Halifax, et elle avait reçu en 1896 du Pape Léon XIII une réponse sans équivoque dans la lettre apostolique Apostolicae Curae : « Nous prononçons et déclarons que les ordinations conférées selon le rite anglican ont été et sont absolument vaines et entièrement nulles. » Absolument vaines et entièrement nulles. On n’aurait pu s’exprimer avec davantage de clarté. Et pourtant Léon XIII insistait encore : la Lettre « est et sera toujours valide dans toute sa force » et devra être « inviolablement observée par tous ». Une telle déclaration revêtait donc une solennité qu’il est difficile de nier. C’est ce menu détail que l’article de La Croix a omis de rappeler à la sagacité de ses lecteurs, jusque dans le petit encadré où le journal se demande s’il y aura en 2014 des « femmes évêques ».
On peut déjà lui répondre : non, il n’y en aura pas, de même qu’il n’y a pas de femmes prêtres, non seulement parce que les ordres anglicans sont invalides, mais aussi parce que c’est impossible, même si cela arrivait dans l’Eglise catholique. Et le plus formidable est que la raison nous en est donnée non pas par le journaliste, mais par les clercs anglicans cités par Mme Harper : « Les autres se braquent et me disent : « Cela n’a rien de personnel, mais vous ne pouvez pas être prêtre. » L’un d’entre eux un jour m’a dit : « Je suis favorable à ce que vous soyez prêtre, mais Dieu ne l’est pas. » » Ce n’est donc pas que l’on ne veut pas transmettre l’ordre sacré à des femmes : c’est simplement que l’on ne le peut pas, parce que le sacrement que l’on transmettrait serait irrémédiablement sans force, et que la parodie de sacerdoce qui en résulterait demeurerait impuissant à répandre sur les âmes la grâce de Dieu.

La Croix ignore-t-elle Ad tuendam fidem ?  
Il est pour le moins piquant de relever qu’il revient à des clercs anglicans invalidement ordonnés d’énoncer la doctrine solennellement rappelée par le Pape Jean-Paul II dans Ordinatio sacerdotalis : il n’est pas dans le pouvoir de l’Eglise de conférer à des femmes l’ordre sacré. Et il est non moins regrettable que ce salubre rappel n’ait pas été fait par le journaliste catholique.
« On doit, déclarait de plus Jean-Paul II dans le Motu proprio Ad tuendam fidem, adopter fermement et faire sien tous les points, et chacun d'eux, de la doctrine concernant la foi ou les mœurs que le Magistère de l’Eglise propose comme définitifs, c'est-à-dire qui sont exigés pour conserver saintement et exposer fidèlement le dépôt de la foi ; celui qui repousse ces points qui doivent être tenus pour définitifs s'oppose donc à la doctrine de l’Eglise catholique. » Il se trouve que le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, avait rangé au nombre de ces enseignements devant être considérés comme définitifs aussi bien l’invalidité des ordres anglicans que l’impossibilité d’ordonner des femmes, ce qui rend les omissions de La Croix d’autant plus regrettables.
Il est vrai que l’auteur de l’article se fait fort discret – et cela dès les premières lignes de l’article. Que l’on en juge seulement : « Comment être crédible pour discuter avec des gens d’un pays où les femmes sont oppressées si l’on fait de même chez nous ? Qui veut discuter avec une Eglise qui discrimine ? » Ces propos de Mme Harper, que le journaliste nous rapporte d’une manière que nous supposons tout à fait fidèle, semblent n’appeler aux yeux du journaliste aucun commentaire particulier.
Ou bien La Croix a-t-elle honte de relever d’une « Eglise qui discrimine » et qui ne peut donc « être crédible » ? Qu’en pense-t-elle ? Que l’Eglise catholique « discrimine » injustement en refusant l’impossible ordination des femmes ? Nous ne le lui souhaitons pas.

Note sur l’invalidité des ordres anglicans :
La question des raisons qui ont poussé Léon XIII à déclarer nulles les ordinations pratiquées par les anglicans est souvent posée. Il ne semble donc pas totalement inutile d’en faire ici un bref exposé, fondé sur la lettre Apostolicae Curae.
Une discipline ancienne : Léon XIII rappelle tout d’abord que l’invalidité des ordres anglicans a été soutenue dès 1554 par Jules III, qui distinguait les « prélats promus régulièrement selon le rite » de ceux qui, non promus aux ordres sacrés, pouvaient l’être s’ils s’en montraient dignes. Une telle discipline a été continuellement observée par l’Eglise catholique, et Léon XIII estime que l’on peut appliquer l’adage : « La coutume est la meilleure interprète des lois. »
Un défaut de forme : la formule adoptée par l’Ordinal d’Edouard (« Reçois l’Esprit-Saint ») ne signifie pas assez précisément le sacerdoce et la grâce propre du sacrement de l’ordre. La déficience de cette formule a été implicitement reconnue par les anglicans eux-mêmes, qui l’ont précisée, mais un siècle après l’entrée en vigueur de l’Ordinal d’Edouard, c’est-à-dire longtemps après l’extinction de la hiérarchie de l’Eglise d’Angleterre : n’ayant pas conservé des ordres valides, les anglicans n’ont pu les transmettre, même après avoir partiellement rectifié leurs rites.
Un défaut d’intention : Léon XIII rappelle qu’il est nécessaire de tenir compte de l’esprit dans lequel a été élaboré puis mis en œuvre l’Ordinal d’Edouard, qui « nie ou dénature le sacrement de l’ordre » et témoigne d’une volonté de rompre avec la doctrine catholique du sacerdoce qui ne plaide guère en faveur d’une intention de faire ce que l’Eglise veut. Ce double vice de forme et d’intention (la validité exigeant matière, forme et intention) ne peut que conduire à l’invalidité des sacrements conférés selon le rite anglican.


Louis-Marie Lamotte

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