mardi 29 novembre 2011

A propos de l’appel de Rouen (2) : Les « acquis de Vatican II »

La Lettre ouverte aux chrétiens rédigée par un « groupe de laïcs catholiques du diocèse de Rouen », comme nous nous sommes efforcés de le montrer dans notre précédent article[1], ne peut prétendre se fonder sur la sainte Ecriture, qu’elle ne cite jamais et qu’elle semble contredire clairement en certains de ses passages, notamment en ce qui concerne l’Eucharistie et l’indissolubilité du mariage. Sur quelle autorité l’appel de nos laïcs se fonde-t-il donc ?

La crainte d’un « enterrement » de Vatican II
En relisant la Lettre, on note très vite les allusions au dernier Concile. Il s’agit de « prendre au sérieux l’enseignement du Concile », de préserver un « acquis de Vatican II ». Quant à l’une des deux autorités citées[2], le P. Bessière, le prêtre qui déclarait avoir excommunié Benoît XVI, elle invoque elle aussi le Concile : « N’assistons-nous pas à l’enterrement discret du Concile Vatican II ? »
Nos « laïcs catholiques du diocèse de Rouen » prétendent donc bénéficier, contre l’interprétation de l’Ecriture communément admise par le Magistère ecclésiastique, de l’autorité d’un Concile œcuménique, qu’ils jugent supérieure.  Mais qu’en est-il en réalité ?

samedi 26 novembre 2011

A propos de l’appel de Rouen

Le 25 novembre, Paris Normandie publiait, sous le titre « Les laïcs catholiques secouent l’Eglise », un article[1] qui se faisait l’écho de l’affaire qui agite le diocèse de Rouen depuis que des prêtres y ont décidé d’appuyer l’ « appel à la désobéissance » lancé par une partie non négligeable du clergé catholique autrichien. De quoi s’agit-il au juste ?

Que se passe t-il dans le diocèse de Rouen ? Un vent de révolte, une soif de rénovation ? Il y a quelques semaines, dix-sept prêtres signaient un «Appel à la désobéissance». Et ces jours-ci, quelques laïcs catholiques se sont engouffrés dans la brèche et publient une Lettre ouverte aux chrétiens. Un texte paraphé par plus de 170 personnes, pour la plupart des membres actifs de mouvements d'Action catholique, d'animation du centre théologique universitaire, de membres de la Fraternité franciscaine...

jeudi 24 novembre 2011

Billet de campagne 3 – Un mariage civil homosexuel bien mal défendu


Le 12 novembre, un article de L’Express débutait comme suit :

« Le maire de Cabestany, dans les Pyrénées-Orientales, a symboliquement célébré le mariage civil de deux hommes pour inscrire le mariage homosexuel dans le débat de la présidentielle de 2012. »

S’il suffit que l’un des 36 782 maires que compte la France s’adonne en public à un acte illégal pour que ledit acte devienne partie intégrante du « débat de la présidentielle de 2012 », la campagne promet d’être très riche. Passons.

Discrimination ?

« On est des citoyens comme les autres », affirment nos deux messieurs, comme pour proclamer un argument massue qui rendrait à lui seul scandaleuse la législation actuelle sur le mariage. Certes, ils sont des citoyens comme les autres – personne ne peut le contredire. Mais justement, étant des citoyens comme les autres, ils ont, comme tous les autres citoyens, le droit de se marier avec une personne de sexe opposé. Il n’y a ici aucune discrimination – au contraire, c’est, pour une fois, l’égalité la plus parfaite qui s’applique : riches, pauvres, noirs, blancs, chanceux, malchanceux, parisiens, provinciaux, sachez-le : vous pouvez tous vous marier avec une seule personne (à la fois, du moins) et de sexe opposé ! Pour qu’il y ait « discrimination », en effet, c'est-à-dire inégalité, il faudrait qu’à situation similaire, le traitement soit différencié. Objection : c’est le cas. Un homosexuel ne peut pas se marier, car seuls les hétérosexuels le peuvent : inégalité, discrimination, horreur. Nous répondons laconiquement : faux. Un homosexuel peut tout à fait se marier, de même qu’un hétérosexuel, avec une personne de sexe opposé. L’égalité entre eux est juridiquement parfaite.

samedi 19 novembre 2011

« De nouvelles forces pour construire la société de demain » : A propos d’une phrase du cardinal Vingt-Trois

Sur le blogue Riposte catholique, Maximilien Bernard faisait il y a peu un bref examen du lexique utilisé par le cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris, dans son discours d’ouverture de l’Assemblée plénière de la Conférence des évêques de France, dont il est le président :
Dans son discours d’ouverture de l’Assemblée plénière de la CEF à Lourdes, le cardinal Vingt-Trois n’a prononcé une seule fois les mots :
Jésus
Christ
Esprit
Quant à « Dieu », il est cité dans une expression familière :
 Grâce à Dieu, de nombreuses initiatives d’entrepreneurs commencent à aller en ce sens [dans le sens d'une consommation équitable]
Le terme « religion » apparaît 10 fois, dont 9 fois au pluriel…[1]
« On en est là », titrait laconiquement Maximilien Bernard.

Un jugement sur les JMJ
Il n’est pas sans intérêt d’examiner plus attentivement ce long discours qui aborde les problèmes les plus divers, du retour des JMJ de Madrid au printemps arabe, en passant par la crise du système économique et politique européen, les élections et les questions relatives à l’islam et à la laïcité. Il s’agit en effet de faire un large « tour d’horizon » susceptible d’ouvrir un « temps de débat sur l’actualité » aussi bien religieuse que profane.
 C’est cependant les paroles du Cardinal sur le retour des JMJ qui paraissent les plus propres à retenir l’attention :
Enfin, il me semble que, à travers cette forte expérience spirituelle des jeunes, notre Église en France peut se féliciter du signe qui est ainsi donné à nos concitoyens. Dans un climat d'incertitude sur l'avenir, la mobilisation forte de cinquante mille jeunes constitue une espérance pour notre Église, et, plus largement, elle dit quelque chose sur la jeunesse de notre pays. Elle manifeste que cette jeunesse n'est pas sans ressource ni sans capacité d'engagement. Dans une société vieillissante, nous voyons qu'il y a de nouvelles forces pour construire la société de demain.
Ces quelques lignes méritent qu’on s’y intéresse : elles expriment les raisons pour lesquelles le cardinal Vingt-Trois voit dans les JMJ de Madrid « une espérance pour notre Eglise » et un « signe » donné à ceux qui ne connaissent pas Jésus-Christ. Que nous disent donc ces JMJ sur « la jeunesse de notre pays » ? Qu’elle est encore capable d’une « forte mobilisation », qu’elle n’est pas « sans ressource ni sans capacité d’engagement » et représente donc dans notre « société vieillissante » de « nouvelles forces » en mesure de « construire la société de demain ». Ce qui n’est peut-être pas faux, mais semble assez curieux.

mardi 15 novembre 2011

Compte rendu de la conférence de Godeleine Lafargue, « Le « gender », une idéologie de mort »


« Seul le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle, mais ce n’est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou de féminin. » Cette phrase, issue des nouveaux manuels scolaires destinés aux lycéens français, était l’un des exemples par lesquels Godeleine Lafargue ouvrait sa conférence, avant de retracer brièvement l’histoire de la théorie du genre. Ne désignant initialement qu’une catégorie grammaticale, le genre a pris une connotation précise nouvelle en 1968 sous la plume de Robert Stoller dans Sex and gender, qui dissociait déjà le sexe, lié aux organes, de l’identité sexuelle, liée à la liberté. Cette distinction était reprise en 1972 par la féministe américaine Ann Oakley dans Sex gender and society, mais ce n’est qu’en 1990 que le genre fait l’objet d’une véritable théorisation par Judith Butler, dans un ouvrage intitulé Gender trouble (publié en France en 2005). Il s’agit d’éviter la confusion entre sexe physiologique et identité sexuelle : l’identité sexuelle aurait été imposée par la société patriarcale imprégnée de christianisme. Le genre devient dès lors un rôle social imposé par notre culture, une construction sociale liée à des stéréotypes de notre culture judéo-chrétienne, que la nouvelle théorie se propose précisément de déconstruire.

dimanche 13 novembre 2011

Abbé Jean MILET, Dieu ou le Christ ? Les conséquences de l’expansion du christocentrisme dans l’Eglise catholique du XVIIe siècle à nos jours, Paris, Editions de Trévise, 1980, 334 pages

L’abbé Jean Milet, professeur à l’Institut Catholique de Paris à partir de 1966, rappelé à Dieu en 2008, s’est tout d’abord signalé par ses travaux philosophiques sur Bergson ou Gabriel Tarde. Dans Dieu ou le Christ ? Les conséquences de l’expansion du christocentrisme dans l’Eglise catholique du XVIIe siècle à nos jours, publié en 1980, l’abbé Milet n’entend cependant pas faire œuvre de philosophe ou de théologien, mais effectuer une « étude de psychologie sociale » (p. 7) s’adressant tant aux croyants auxquels elle pourrait « révéler certaines orientations cachées de leur Eglise, et de ce fait provoquer une prise de conscience et peut-être des sursauts » comme aux incroyants, auxquelles elle pourrait « montrer, sur le vif, comment un corps social peut modifier ses structures profondes et quelles conséquences […] peuvent en découler » (p. 8). S’il est question de doctrine, c’est donc avant tout en tant que les problèmes doctrinaux modifient le « comportement mental, affectif et pratique » (p. 7) du corps social qu’est l’Eglise catholique.

mardi 8 novembre 2011

Billet de campagne 2 – Peur du peuple ?

« Pour approfondir la démocratie, nous renforcerons le rôle du Parlement, nous introduirons une dose de proportionnelle aux élections législatives, nous accorderons le droit de vote aux étrangers aux élections locales, nous transformerons le Conseil Constitutionnel en une véritable Cour Constitutionnelle indépendante, nous supprimerons leur dotation publique aux partis qui ne respecteront pas l'objectif de la parité, nous lutterons contre les conflits d’intérêt et nous imposerons une limitation du cumul des mandats. »

            Reprenons l’examen des propositions du candidat socialiste. L’actualité offre une belle transition à notre raisonnement.

Bref retour sur l'affaire Castellucci

Note : Cet article a déjà été publié, dans une version très légèrement différente, sur le blogue Benoît et moi (http://benoit-et-moi.fr/2011-III/).

La protestation menée depuis quelques jours par des catholiques contre la pièce donnée à Paris au Théâtre de la Ville par Roméo Castellucci, Sur le concept du visage du Fils de Dieu, a fait ces derniers temps grand bruit. Les faits seraient assez bien connus s’ils n’avaient fait l’objet de récits pour le moins partiaux qu’en ont livré la grande presse et les principaux médias. De jeunes catholiques, à l’appel de l’institut Civitas, ont manifesté chaque soir, priant et chantant devant le théâtre pendant les représentations de cet étrange spectacle. Quelques-uns d’entre eux ayant, au cours des premières manifestations, jeté quelques œufs ou perturbé le déroulement de la pièce, on a vu les journalistes dénoncer aussitôt les abominables violences commises par les « fondamentalistes chrétiens » – il n’est pas anodin que cette même expression ait servi à désigner le tueur norvégien – certains allant jusqu’à parler de « prises d’otage » ou d’ « attaques terroristes ». Très curieusement, on n’avait guère vu les mêmes journalistes dénoncer de même les jets d’œufs autrement plus fournis et les attaques autrement plus graves auxquels se sont livrés les anarchistes de la CNT et les trotskystes du NPA contre les catholiques venus prier le rosaire devant l’hôpital Tenon en septembre dernier à l’appel de l’association SOS-Tout-petits.